Présentation

Qu’il n’y ait ici-bas qu’un vieil homme, seul, calme et beau, entouré d’un luxe inouï, et je suis à vos genoux. (Arthur Rimbaud, Les Illuminations)

L’Association des amis de Maurice Fourré (A.A.M.F.) est née des désirs conjugués de quelques amis, passionnés à des titres divers par l’oeuvre dudit, qu’ils n’avaient pu connaître de son vivant; ils ne se connaissaient pas non plus tous entre eux auparavant, et se sont rencontrés, les uns et les autres, sur ce seul mot de passe: mieux faire connaître un auteur trop négligé, on s’en doute, en ce temps de communication intempestive, défendre et illustrer son oeuvre.

Certes, ils avaient eu des prédécesseurs influents, mais eux-mêmes ne l’apprenaient qu’au fur et à mesure de leurs discussions et de leurs recherches dispersées. L’idée de départ était donc de rassembler toutes ces informations, venues d’horizons lointains dans le temps et l’espace, sur un destin poétique, et un destin tout court, insolites dans l’art du vingtième siècle. Par ordre d’entrée en scène, avaient eu l’occasion de rencontrer et d’évoquer ensuite Maurice Fourré en termes chaleureux, voire exaltés: Michel Carrouges, Julien Gracq, André Breton, Michel Butor, Raymond Queneau, Julien Lanoë, Jean Paulhan, Colette Audry, Philippe Audoin, Vincent Bounoure etc.

Avec le temps, tous ces témoignages devinrent de plus en plus introuvables, au même titre que les œuvres qui avaient servi de point de jonction à ces initiateurs. Il y a encore une dizaine d’années, lorsque l’un ou l’autre d’entre nous commandait en librairie un ouvrage de Maurice Fourré, la réponse revenait invariable de la maison d’édition:’ « Maurice Fourré? Épuisé… ». « Épuisés » eux aussi, les héritiers directs de l’auteur – né en 1876, sous Mac Mahon, rappelons-le – disparaissaient, hélas, l’un après l’autre, comme ses derniers neveu et nièce : M. et Mme Jean Petiteau, qui avaient déjà tant fait avant guerre pour aider leur « tonton » à mener à bien son oeuvre.

Pour parer au plus pressé, six amis de Maurice Fourré se sont joints en association. Sous la houlette du dernier éditeur en date de Maurice Fourre, Jean-Pierre Guillon – futur Président – ce petit comité réunissait, à l’enseigne toute trouvée de la librairie-galerie la Marraine du sel, les maîtres des lieux Tristan Bastit (futur Vice-président) et Anne Romillat, Claude Grimbert (futur Trésorier), Bruno Duval (futur Secrétaire) ainsi que Claude Merlin, homme de théâtre qui préparait un spectacle anthologique sur Fourré.

Comme tant d’autres établissements de ce genre au cours d’une période de crise, la Marraine du sel, premier siège social, allait être contrainte de fermer ses portes. Mais celles de l’Association restaient ouvertes: déclarée à la Préfecture de Paris le 22 janvier 1997 et enregistrée au Journal officiel le 12 février, sa création fut annoncée par voie de presse (le Monde, la Quinzaine littéraire), et nous sommes aujourd’hui, outre les membres fondateurs, une trentaine d’amis de Maurice Fourré patentés et cotisants, en France et à l’étranger.

La première assemblée générale de l’AAMF s’est tenue le 30 janvier 1998 au café Le Rouquet, Boulevard Saint-Germain à Paris, dans une ambiance à la fois tendue et détendue, en un mot fourréesque. Il y fut décidé de réaliser un bulletin chargé de rassembler, et de mettre à la portée de tous, des informations anciennes ou récentes, glanées ça et là, sur l’auteur de la Nuit du Rosé-Hôtel, de la Marraine du Sel, de Tête-de-Nègre et du Caméléon mystique, quatre romans-poèmes qui, à eux seuls, valent des milliers de poèmes romantiques, ou de romans poétiques, pour ne rien dire des prosaïques qui, aujourd’hui comme hier, saturent le marché.

Du Bulletin de l’A.A.M.F., voici donc le premier exemplaire. Les membres de l’Association qui ne seraient pas encore familiarisés avec la vie et l’oeuvre de Maurice Fourré liront avec profit une notice inédite de Thieri Foule destinée, voici quelques années, à paraître dans un Dictionnaire de littérature qui ne verra peut-être jamais le jour (une notice de la même plume sur la Nuit du Rose-Hôtel est parue dans le Dictionnaire des grandes oeuvres de la littérature française, Le Robert, 1992). Les initiés et amateurs de signatures prestigieuses se jetteront, quant à eux, sur un inédit historique de Michel Butor, qui fut un des premiers admirateurs de Fourré, source ignorée du « Nouveau roman » dans la spatialisation du récit, mais non dans sa spécialisation systématique. Mais il y a aussi un dossier consacré à Patte-de-Bois , première nouvelle de l’auteur publiée pour la première fois en…1907, enchâssant le fac-similé du manuscrit d’une lettre inédite signée Maurice Fourré sur le même thème, où le spécialiste Jean-Pierre Guillon n’est pas loin de déceler un motif générateur de son oeuvre à venir. Fermant la marche, Claude Merlin présente son spectacle consacre à « Monsieur Maurice », dont on chuchote la création prochaine. Au propre comme au figuré, cet auteur trop longtemps négligé occupera donc demain le devant de la scène. Souhaitons qu’il ne le quitte pas de sitôt.

Selon la variété et la richesse des apports successifs, les bulletins suivants pourraient être articulés autour de thèmes comme M.F. à la N.R.F./M.F. et la N.R.F, la Loire chez M.F./M.F. sur la Loire, Que lisait M.F.?/Qui lisait M.F.? , l’Amour mis nu par le célibataire, même/Le Célibataire, même, mis à nu par l’Amour etc. Sur ces thèmes ou sur d’autres, le présent numéro est aussi un appel à contributions éventuelles de tous les adhérents de l’A.A.M.F. s’ils en ont l’envie, le cœur et le temps.