MAURICE FOURRÉ par Thieri Foulc

Angers 1876-Angers 1959
(Notice rédigée pour un dictionnaire de littérature à paraître)

Révélé à l’âge de soixante-quatorze ans par La nuit du Rosé-Hôtel, Maurice Fourré est un écrivain de la ferveur, du cérémoniel et de la confidence ésotérique, un « surréaliste-sans-le-savoir », à distance de son époque.
Issu d’une famille aisée qui exploitait à Angers une quincaillerie de gros, il vécut d’abord, dans le Paris de la Belle époque, une vie de dilettante. Ses premières tentatives littéraires consistent en trois nouvelles: Une ombre (écrite en 1903, perdue), Patte-de-bois (parue en février 1907 dans la Revue Hebdomadaire de René Bazin) et Une conquête (dans La Nouvelle Revue, 15 novembre 1908). En 1907, il devint le secrétaire de René Bazin, son concitoyen d’Angers, et il tint le même rôle auprès d’autres personnages influents, notamment le critique littéraire du Temps, Gaston Deschamps, puis l’homme d’affaires et député Paul Cuny. En 1927, il regagna Angers où il mena une vie provinciale, ponctuée de fugues amoureuses et de voyages dans l’ouest de la France. Vers 1939, il commença à donner une forme littéraire à ses souvenirs, à ses fantasmes, aux récits dont il émerveillait des auditeurs de rencontre : La nuit du Rosé-Hôtel raconte, sur le mode mystique, une « cérémonie générale » réunissant les singuliers pensionnaires d’un hôtel de passe dans le Montparnasse de 1921 (ou 1930). Le manuscrit, achevé, semble-t-il, en 1944, parvint en 1949 à Julien Gracq. Celui-ci le communiqua à André Breton, qui le publia en 1950. Par la suite, Maurice Fourré écrivit encore trois ouvrages: Tête-de-Nègre, un roman touffu où le personnage central est tué par l’apparition de son double (écrit en 1951-1954, remanié en 1956-1958, publié posthumément en 1960); La marraine du sel, une histoire d’amour et d’envoûtement dans le décor géométrique de la ville de Richelieu (1955); Le caméléon mystique (écrit en 1956-1957, publié posthumément en 1981).L’appellation de romans convient mal aux œuvres de Maurice Fourré où l’on ne trouve « pas d’action, surtout pas d’action : des cérémonies » (Philippe Audoin). Prose mêlée de vers, litanies, exclamations, dialogues mystérieux, mièvreries, sarcasmes, listes, menus, dispositions typographiques atypiques (textes en retrait, mots isolés, centrés) : l’écriture de Maurice Fourré est bien celle d’un « caméléon mystique » qui exploite toutes les apparences du discours pour transcrire une unique voix intérieure.

Précédée de lectures faites devant un public d’écrivains, la publication de La nuit du Rosé-Hôtel, inaugurant une collection « Révélation » où ne parut aucun autre titre, dénotait de la part de Breton la volonté de ranimer le surréalisme en l’orientant vers l’ésotérisme (intention explicite dans les préfaces rédigées presque simultanément en août 1949 pour le Rosé-Hôtel et pour Le mécanicien et autres contes de Jean Ferry). Il s’agissait de marquer la spécificité du mouvement face au rayonnement de Camus et des « existentialistes ». Mais si l’oeuvre de Maurice Fourré fut admirée de Cracq, Cocteau ou Bachelard, ce fut un échec commercial, et il fallut toute l’autorité de Jean Paulhan, par la suite, pour que Gallimard publie La marraine du sel puis, après un refus initial, Tête-de-Nègre remanié. Néanmoins, les travaux de Philippe Audoin et de Jean-Pierre Guillon, qui republia les nouvelles, ont entretenu la connivence des lecteurs de Maurice Fourré.

ÉDITIONS
Outre La Nuit du Rose-Hôtel (1950, L’imaginaire 1980), La Marraine du Sel (1955) et Tête-de-Nègre (1960) parus chez Gallimard, on trouvera Une conquête avec trois dessins et trois fragments de lettres inédits, présentés par Jean-Pierre Guillon, Paris-Bannes, éd. du Fourneau, 1984, Patte-de-Bois et Le Caméléon Mystique, éd. Calligrammes, 1981 & 1985, Quimper.

ÉTUDES
Michel Carrouges, Les machines célibataires, Arcanes, 1954.
Philippe Audouin, Maurice Fourré, rêveur définitif, Le Soleil noir, 1978.
J.P. Guillon, M. F. barde sans audience, Les cahiers de l’Iroise, Brest, 1981