Spécial Tête-de-Nègre
I. Tête-de-Nègre et ses Fantômes
Voici donc un, deux numéros de Fleur de Lune consacrée(s) à Tête-de-Nègre. Ce roman mérite une approche privilégiée puisqu’il est le dernier entièrement conçu et organisé par son auteur vieillissant, qu’il peut être considéré comme un quasi-testament, comportant une large part d’autobiographie et où l’écrivain s’interroge finalement sur sa place dans le monde.
N’en déplaise à André Breton, et au jugement qu’il porte dans sa célèbre préface à La Nuit du Rose-Hôtel, « toute amertume n’en est pas exclue ». L’omniprésence de la mort et des forces du mal interpelle ici tout admirateur de l’énigmatique et débonnaire passant angevin qui, pour répondre par les forces du bien, « achète des croquettes à l’anis et des cartes postales licencieuses pour sa petite amie ». Ce roman-poème développe plus que tout autre l’ésotérisme et la magie celtiques que les surréalistes se sont plu à reconnaître et à aimer.
Notre matériau éditorial se révèle abondant lui aussi. Nous vous proposons deux évocations particulières et antithétiques.
L’une, catholique, émane du confesseur de Maurice Fourré, l’abbé Thomas, qui fut également « professeur d’Écriture sainte » au Grand Séminaire d’Angers. Nourrie de citations empruntées à la correspondance personnelle de l’auteur, elle est parue en janvier 1960 dans le Courrier de l’Ouest, dont le directeur Pierre Langevin avait fait paraître, entre 1955 et 1960, de nombreux articles de Fourré, qu’il considérait comme un maître.
L’autre, résolument laïque, est l’œuvre de Philippe Audoin, auteur du premier et jusqu’à présent seul livre sur Maurice Fourré : Maurice Fourré, rêveur définitif, aux éditions du Soleil noir, 1978. Près de dix ans auparavant, dans le numéro 7 de l’Archibras, revue surréaliste née en 1967, après la mort de Breton, Philippe Audoin, jeune membre du groupe, replaçait déjà la composition « suppliciante » de Tête-de-Nègre dans l’ensemble de l’œuvre, et s’attachait beaucoup plus en détail que dans son futur livre à ses aspects hermétiques. Faute de place dans ce numéro, nous en reportons la parution au prochain Fleur de Lune.
Préalablement, je suggère quelques remarques introductives pour situer le roman dans son contexte socio-économique et culturel et vous souhaite bonne lecture… active… propre à susciter la controverse.
A. T.
II. L’aventurier bicéphale
Écrire est une libération, donc une transgression. De la contingence, de la coutume, de la loi, de la clôture… Arracher ou regagner un pouvoir et d’abord sur soi-même par une clarification, la transparence d’une pensée de raison enfantée par le mot qui signifie.
III. Le dernier roman de Maurice Fourré : Tête de Nègre
par l’Abbé Charles Thomas
Maurice Fourré semble avoir suscité l’exégèse des ecclésiastiques : l’AAMF est sur la piste d’un autre texte critique dont l’auteur serait cette fois un certain Abbé Joseph Perret, professeur à la Faculté catholique d’Angers. Nous ne manquerons pas de le publier dès qu’il sera retrouvé.
Quant au sous-titre du présent article, il s’explique par le fait qu’en 1960, Tête-de-Nègre était bien le dernier roman connu de Maurice Fourré. Le Caméléon mystique ne devait être publié que fin 1981, aux Editions Calligrammes (où l’on peut toujours se le procurer) par les bons soins de J.P. Guillon, notre Président d’honneur.